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des attaques à une heure prescrite, immuable, même si le temps est contraire, si la préparation est insuffisante. En Champagne, un colonel reçoit l’ordre de donner l’assaut. Il sait que l’artillerie n’a pas détruit les obstacles devant lui, que son régiment sera massacré. Il téléphone à l’État-Major. Réponse : « Vous n’avez pas à discuter les ordres, mais à les exécuter. » Le colonel sort seul et se fait tuer.

Ce médecin m’expliquait aussi l’insensibilité de ces États-Majors ; ils font la guerre comme ils faisaient des exercices ou des manœuvres. Pliés à dresser des états fictifs des manquants, des pertes, ils continuent à ne voir dans les états réels que des chiffres sur du papier.

Il me disait bien d’autres choses affreuses, qu’on n’imprime pas, puisque la Censure règne et qu’on ne doit montrer que la guerre en beauté. Par exemple, les pertes effroyables dans les positions conquises sur l’ennemi et soigneusement repérées par lui, où l’on maintient pendant dix, douze jours, les troupes d’assaut avant de les relever. Ou les fusillades, si nombreuses, si faciles, qu’il fallut instituer, à côté des cours martiales, une sorte de conseil d’enquête où siège un médecin.

Ou encore l’usage de la « gnole ». Avant l’of-