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telle. Et, en l’écoutant, je me rappelais les proclamations de la presse unanime, le Bonjour en tête : ces chers enfants de la classe 1916 seraient traités avec une sollicitude maternelle, on les entourerait de douceurs et de soins…

Je sens que cette femme aime son fils d’une tendresse fine et forte, bien différente de ces sentiments rudimentaires qu’on prête à tous les paysans. Je sais qu’il eut une enfance maladive et que ses parents se sont imposé, pour sa santé et son instruction, les plus larges sacrifices. Eh bien, cette mère se résigne à la guerre comme à une catastrophe naturelle. Elle en attend la fin comme on attend la fin d’un orage, d’une chute de grêle ou d’une inondation. Elle ne se doute pas que c’est la somme de toutes ces résignations qui rend les guerres possibles. Car enfin, il y en a partout, dans toute l’Europe, des Mitry, de braves fermiers qui ne demandaient qu’à vivre paisibles, qu’on a persuadés de la méchanceté des pays voisins et de la nécessité de la guerre, et qui, bon gré mal gré, ont donné leur fils…