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ils vous marcheraient sur le pied, sans méchante intention, mais de tout leur poids.

Littéralement, ils m’oppressent. Oui, c’est cela : parmi eux, je vis dans un perpétuel état d’oppression. Ah ! Comprendra-t-on jamais le continuel supplice enduré, pendant cette guerre, par une femme qui est restée pitoyable et sensible, qui a gardé l’horreur absolue de la tuerie, qui n’a de haine que pour la haine, et qui se voit seule, toute seule, au milieu de fanatiques intolérants, cruels, endurcis aux souffrances des autres ?…

Lutter, me rebeller ? Dès qu’ils parlent, je me sens en détresse. La vie diminue en moi. Il me semble que je me rétrécis. Et je suis découragée d’avance de les contredire, comme s’il me fallait soulever la Terre.

Aujourd’hui, pourtant, j’ai failli éclater. Ils développaient, d’un ton où se mêlaient la colère et la satisfaction, un de leurs thèmes favoris : « Nous n’étions pas prêts. »

Admirable trouvaille ! Elle démontre que personne en France n’est responsable de la guerre, car nul n’aurait été criminel au point de jeter dans l’aventure son pays désarmé ; elle explique, elle excuse les premiers échecs ; elle donne à la victoire de la Marne sa figure miraculeuse ; elle