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Ganville, 12 août 1915.

J’ai écrit à Paron de venir. J’ai besoin de parler, d’entendre parler selon ma pensée. Ici, j’étouffe, entre les Foucard, les Delaplane, les Butat, Villequier, leurs amis. Car l’insistance de mon mari, notre étroit voisinage, m’imposent sans cesse leur présence. Nous vivons les uns contre les autres.

Je suis excédée de leurs propos poncifs et convenus, héroïques et féroces. Je ne peux pas écrire jusqu’où va leur soif de sang et d’extermination absolue. Et ils ne réfléchissent à rien, ils n’examinent rien. Ils répètent. On dirait qu’ils ont appris leur journal par cœur et qu’ils se le récitent à la journée. On voit les phrases leur sortir du bec, comme aux personnages de rébus.

Et ils sont tellement sûrs de détenir la vérité, la seule vérité… Le soupçon ne les traverse même pas qu’on puisse penser autrement qu’eux-mêmes. À moins d’être traître ou fou, naturellement. Leur certitude est lourde, écrasante et tranquille. Ils vous marchent sur le cœur comme