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LES « HAUTS FOURNEAUX »

ces sociétés qu’il administre. Il me rangeait dans un coin de sa vie. Et puis, ce gros manieur d’hommes et de millions est fier de son œuvre. Il ne croit qu’en elle. Il méprise mon ignorance — excessive, je l’avoue — du langage des affaires et de l’argent. Et, parce que je m’intéresse à la littérature, à la politique, il se moque de moi. Bref, Pierre m’a toujours traitée en personne négligeable, un peu toquée. Et pourtant, j’aurais pu être pour lui la bonne compagne…

Je n’ai su être qu’une bonne mère. Oh ! Je l’ai été farouchement. Une vraie mère lionne. Oui, je l’aime comme une bête, mon petit. Je me suis toute rejetée vers lui, je me suis vouée à lui. Je sentais en moi un si grand besoin d’aimer, d’être aimée. Il y a tellement de tendresse refoulée, dans le cœur d’une timide. Je voudrais que tout le monde m’aime, moi. Et aussi que tout le monde s’aime.

Et la guerre éclaterait ? Encore une fois, c’est impossible. Essayons de réfléchir, la plume à la main. La guerre ? Depuis dix ans, depuis la mainmise sur le Maroc, n’a-t-elle pas failli éclater dix fois, et dix fois ne l’a-t-on pas évitée ? Tanger, Algésiras, Agadir… Tous ces noms me rappellent autant d’alertes, mais qui sont res-