ce papier. Au fond, je n’en ai jamais eu d’autre. J’ai toujours été une silencieuse. Si je parle, c’est pour parler franc. Alors, je gêne et je m’arrête… Je crois bien que mon mari m’a encore repliée sur moi-même. Brusque et jovial, avide et pressé, il m’a toujours déconcertée. Même avant qu’il eût des maîtresses, il était déjà tout accaparé par ses énormes entreprises métallurgiques, les industries qu’il commande, les sociétés qu’il administre. Il me rangeait dans un coin de sa vie. Et puis, ce gros manieur d’hommes et de millions méprise mon ignorance du langage des affaires et de l’argent. Parce que je m’intéresse à la littérature, à la politique, il se moque de moi. Pourtant, j’aurais pu être pour lui la bonne compagne. Je n’ai su être qu’une bonne mère. Oh ! Je l’ai été farouchement. Une vraie mère lionne. Oui, je l’aime comme une bête, mon petit. Je me suis vouée à lui ».
La guerre éclate. Pendant six semaines, Mme Ciboure interrompt son journal. En septembre 1914, nous la retrouvons à Andernos, au bord du bassin d’Arcachon, où son fils achève sa convalescence, à proximité de Bordeaux, où son mari séjourne souvent, car, dit-il, « on y traite les grosses affaires et l’on y rencontre les gens utiles. »