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Les hommes sont entraînés. Les sondages qu’on pratique dans leurs lettres montrent que leur moral est excellent. Ils sont en forme. Mais on ne peut pas les y maintenir indéfiniment. Il faut en profiter… » Ou, au contraire : « Oui, c’est la carte à jouer. Mais, avant de l’abattre, il faut avoir tous les atouts dans la main. »

Mon mari s’était rangé au parti de l’attente. Mais je sentais bien qu’il n’obéissait pas à la pitié. Non. Ils craignent, lui et ses pareils, que cette offensive ne soit la dernière, qu’elle ne soit suivie d’une paix incapable de combler leurs intérêts, leurs ambitions, leurs engagements. Ce sont en effet des joueurs qui attendent l’instant favorable pour risquer la partie décisive. Voilà leur seule raison d’ajourner le massacre de cent mille jeunes hommes.

Peu après, je passai dans un petit salon. Colette Faucard, la maîtresse de mon mari, se tenait devant la glace aux côtés d’une de ses amies. Les deux coquettes essayaient la mode des cheveux rejetés en arrière, comparaient ses mérites à ceux de la frange ou des bandeaux bouffants. Et Colette me dit gaîment :

— Nous aussi, nous faisons des opérations sur le front.