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24 janvier 1917.

Dans le train de banlieue où nous voyagions au grand complet, une femme accompagnait son mari, en officier. Il a été blessé. Il part en congé. Ah ! Elle ne nous en a rien laissé ignorer. Tout le long de la route, elle égrène pour la galerie des phrases de ce genre : « Fais bien attention à ton bras blessé… Quand tu étais à la Fille-Morte… Tu n’as pas oublié ta feuille de congé de convalescence ?… Toi qui as fait la campagne depuis le début… Oh ! Comme tu as gardé le langage des tranchées… Il faudra acheter tous les journaux illustrés qui donnent les cartes du front, pour marquer l’endroit où tu as été blessé… » Cette blessure, pourtant, elle a représenté de la souffrance pour son mari, de l’angoisse pour elle-même. Une sorte de pudeur devrait la retenir de l’étaler, de s’en orner. Non. Elle en tire vanité. Jamais je n’ai mieux senti le rôle énorme du respect humain, de l’ostentation, dans l’effroyable aventure.