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Souvent, je me dis : « Il ne lui arrivera rien, à lui. » Et puis, je me rends compte : toutes les mères croient qu’il n’arrivera rien à leur fils. Toutes les mères…

Non. Il faut guetter le courrier, vivre de lettre en lettre, se dire à chacune d’elles : « Il vivait encore ce jour-là. » Il faut attendre, toujours attendre. Combien de temps ?

Mais je ne veux plus confier à ce papier ces plaintes continuelles. Je me suis promis de noter ce que je sais, ce que je vois, ce que j’entends de la guerre, afin de la dénoncer de toutes mes humbles forces. Voilà ma tâche. Elle me détournera de mes soucis, de moi-même.

27 décembre 1916

Mes craintes n’étaient que trop justifiées. La tentative de médiation des États-Unis va échouer, les belligérants ne feront pas connaître les vrais buts de guerre. Toute la presse bafoue la note américaine. Un des journaux de haut-bord qui commandent l’opinion a, dès le premier jour, donné le ton : « On ne peut pas nous con-