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LA HOUILLE ROUGE

Il m’aide à vivre. J’en ai encore senti le réconfort ce matin, juste au lendemain du départ de mon René, quand j’ai appris l’initiative des États-Unis, qui demandent à tous les belligérants leurs buts de guerre. Si c’était la médiation, la fin ?…

Je n’ose pas y croire. Je me rappelle, il y a dix jours, les propositions de paix de l’Allemagne. Avant même d’en connaître la teneur, on les a piétinées, enfouies. Mon mari, ses pareils, tous les grands féodaux du métal, de la haute industrie, ont donné le mot d’ordre et l’exemple, suivi le lendemain par la presse et le pouvoir. Mais va-t-on traiter aussi dédaigneusement l’Amérique, oublier qu’elle peut, en se jetant dans l’un ou l’autre camp, décider du conflit ?

Le comique et l’atroce, c’est que je dois garder pour moi mes craintes et mes espérances. Je ne peux les confier à personne, sauf à mon vieil ami Paron, qui pense comme moi. Sans lui, je serais seule, toute seule, parmi les centaines de gens que je coudoie. Qui le croira, plus tard ? Après trente mois d’une guerre sans exemple, pour une maman, c’est une honte, un crime, d’appeler la paix !