Page:Michel Corday - La Houille Rouge, 1923.djvu/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« — Pas de doute : l’ennemi.

« — Chaque pays le dit du voisin, mon enfant. Ce n’est pas si simple.

« Je n’en ai pas dit plus. Mais je les voyais, les porteurs de torche, qui, à force d’agiter leurs brandons par dessus les frontières, avaient fini par déchaîner l’incendie. René a tranché, d’un petit geste net :

« — Peu importe, d’ailleurs. On jugera plus tard. L’essentiel, c’est de résister. Car si on cessait de tenir, ce serait vraiment la fin de notre pays : il disparaîtrait, comme Athènes a disparu. Il nous faudrait vivre sous le joug, dans une atmosphère irrespirable, dans la plus lourde servitude…

« Hélas ! Ce sont des servitudes économiques, que les maîtres cachés de la guerre rêvent de s’imposer les uns aux autres. Mais on a voilé ces basses menaces : devant elles, on a brandi de plus nobles craintes, plus dignes d’enflammer les cœurs. Devais-je donc démasquer ces féroces convoitises ? Je n’osais pas, je n’osais pas. Et je me suis bornée à répondre qu’on ne rayait plus de la carte un grand État moderne, qu’on ne pouvait plus l’absorber par la conquête.

« — En tout cas, m’a répliqué vivement René, tu sais bien que l’ennemi, s’il était vainqueur,