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quoi deux ans ? » Mais c’était ouvrir tout son procès, soulever un monde. Et, frappée par son dernier argument, je n’ai rien répondu. »

Mme  Ciboure laisse donc son fils réunir son dossier. Mais, avant que ses démarches ne deviennent définitives, elle tente un dernier effort près de lui. Voici comment elle rapporte ce suprême débat :

« Une dernière fois, j’ai voulu essayer d’obtenir qu’il attende son tour, par pitié pour moi. J’étais bien émue. Jamais nous n’avions discuté à fond tous les deux. Rien que de petites escarmouches en trois phrases. Je lui ai dit d’abord que je haïssais la guerre en soi, qu’elle me meurtrissait, qu’elle me piétinait chaque jour, depuis vingt mois, que je le suppliais de ne pas ajouter, avant l’heure, à mon déchirement.

« Il m’a interrompue doucement :

« — Je sais bien, ma petite maman, que nous ne sommes pas d’accord. Aussi ai-je évité de discuter avec toi. Mais conviens tout de même que, si tout le monde avait tes idées, nous nous serions laissé envahir et que nous n’existerions plus aujourd’hui.

« J’ai crié :

« — Si tout le monde avait mes idées, il n’y aurait pas eu de guerre !