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de maintenir la foule dans la guerre… le parti-pris de la duper par tous les moyens, de lui cacher la vérité, de laisser dans l’ombre toute l’abomination du massacre, de n’en montrer que la face resplendissante, glorieuse. Songez à ce communiqué qui, deux fois par jour, depuis treize cents jours, proclame que « tous nos coups de main ont réussi », que « tous les coups de main de l’ennemi ont échoué sous nos feux ». Jamais d’échec. Jamais de pertes. Sous ce martellement, quel cerveau garderait sa lucidité ?

Quelle malédiction d’avoir vu cela… Cette poignée de gens qui dirigent la masse et qui, chauffant au rouge son orgueil et sa cruauté, la poussent et la maintiennent sous le marteau-pilon. On ne pourra donc pas montrer la guerre telle qu’elle est, abjecte, sauvage, stupide ? On ne pourra donc pas dénoncer l’hypocrisie dont elle a masqué, comme d’un lupus ignoble, la face des hommes ? On ne pourra même pas crier qu’elle ne rapportera jamais le centième de ce qu’elle coûte ?…

15 mai 1918.

Ce soir vers dix heures, nous rentrions à pied