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Je passais place du Palais-Royal quand une femme, sortant du Métro, annonça la catastrophe. Quelques passants l’écoutèrent un instant, l’air distrait, puis continuèrent leur chemin. De très jeunes gens, accoudés à la balustrade de la station, plaisantèrent bruyamment. Ce fut tout. Un obus tombe, fait des morts. Quelques centaines de mètres plus loin, on achète, on vend, on mange, on aime. La vie n’est pas troublée. Ainsi des goujons, massés sur un fond de sable, continuent tranquillement de chercher pâture quand l’un d’eux est enlevé par le pêcheur. Comment s’indigner que Paris ne réalise pas le massacre du front, alors qu’il semble ignorer celui de la rue prochaine !

Cependant, la presse, rompant son mutisme ordinaire, pleure longuement ceux que la mort a frappés dans l’assistance d’élite de Saint-Gervais. La quinzaine dernière, elle avait escamoté l’affreuse catastrophe de la station de métro Bolivar, qui coûta pourtant plus de victimes. Un soir d’alerte, parmi la foule abritée dans le souterrain, le bruit courut qu’on y répandait des gaz asphyxiants. Un flot se rua vers l’escalier. Mais un flot contraire s’y engouffrait, cherchant refuge contre les bombes. La panique, la mêlée furent indicibles. On soigne encore à l’hôpital