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même pour l’avoir colportée. On était arrêté, ces jours derniers, pour avoir dit au téléphone que l’explosion de la Courneuve serait suivie d’explosions partielles jusqu’à complète extinction du foyer, ou pour avoir cité un nombre de victimes différent du chiffre officiel. On vient d’arrêter le socialiste Rappoport pour propos « défaitistes », pendant une alerte, sur la dénonciation d’un de ses compagnons de cave, un répétiteur de lycée.

Des agressions nocturnes, favorisées par l’obscurité opaque de la ville sous l’alerte… Des déserteurs ont organisé de véritables bandes. Ils détroussent les passants, s’attaquent même à des couples, à des autos. Beaucoup de gens n’osent plus sortir, la nuit tombée. Nous retombons au moyen âge, au temps des tire-laine.

Surtout, on vit sous l’oppression de l’offensive. Les Allemands, dépassant les lignes qu’ils avaient abandonnées voici juste un an, se dirigent vers Amiens. On craint qu’ils ne poussent jusqu’à la mer, qu’ils n’isolent les armées anglaisés au nord de la Somme. Ils sont à Montdidier. Le Grand-Quartier s’est transporté de Compiègne à Provins. On parle d’une contre-attaque. Je pense aux morts, à tant de petits gars lancés au carnage. Serais-je seule à y penser ? Ceux-là même qui