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des alliés nécessaires et précieux dans la guerre des tarifs. Encore une fois, c’est facile. Surtout qu’on sera soutenu tout de suite par un chœur de fanatiques, les uns ambitieux, les autres sincères, tous épris de violence.

« Donc, on joue de la presse, comme on jouerait des grandes orgues, afin d’exalter la foule, de jeter sur elle ces ondes frémissantes qui l’angoissent et l’enivrent. L’exécutant invisible, assis au clavier derrière son formidable instrument, déchaîne les rafales sonores sur le docile troupeau des fidèles. Aussitôt, des voix ardentes s’éveillent et l’accompagnent, toute une maîtrise qui le soutient à l’unisson : diplomates qui vivent de l’intrigue et de la discorde, militaires impatients d’avancer, chauvins furieux, auteurs habiles et patriotes de carrière. Et la jeunesse, élevée dans le culte de la force, mêle un chœur enfantin à ce concert farouche. Les orgues mugissent toujours. Leurs grandes voix de métal tour à tour se lamentent et triomphent : « Trahison ! Revanche ! On nous étouffe ! On nous humilie ! On nous menace ! Soyons forts ! Soyons prêts ! Soyons fiers ! La guerre est inévitable… » Et les ondes puissantes éveillent en frissons, dans la foule prosternée, les instincts éternels d’orgueil et de crainte, de haine et de lutte.