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ironique lettre d’Anatole France à un très orthodoxe correspondant :

« Cher ami, j’augure d’après votre lettre que vous vous portez bien, car elle est robuste et révèle une âme forte. Il apparaît que nous pouvons faire la paix comme nous voudrons et que ce n’est qu’une affaire de temps, sans quoi les Alliés n’en auraient pas dicté d’avance les conditions et vous ne les auriez pas confirmées dans votre lettre. Or, puisqu’il nous est loisible de faire la paix avec ou sans victoire à notre choix, je repousse avec indignation sur votre exemple la paix sans victoire.

« Paix sans victoire, est-ce contentement ?

« Paix sans victoire, c’est pain sans levain, civet sans vin, bar sans câpres, cèpes sans ail, amour sans querelles, chameau sans bosse, nuit sans lune, toit sans fumée, ville sans bordel, porc sans sel, perle sans trou, rose sans parfum, République sans dilapidation, gigot sans manche, chat sans poil, andouille sans moutarde, enfin c’est chose insipide.

« Se peut-il qu’entre tant de paix qui nous sont offertes, les socialistes, n’ayant que l’embarras du choix, mettent la main sur une paix sans victoire, sur une paix boiteuse, selon votre forte et originale expression ? Que dis-je ? Non pas même