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pleine ardeur, en pleine santé, je vois bien qu’il vibre et qu’il sent comme ceux qui nous entourent. »

Cette mélancolie, Mme  Ciboure veut l’avouer au fidèle Paron. Mais son vieil ami change, depuis quelque temps. Il raréfie ses visites. Son humeur s’altère. Et quand Mme  Ciboure se plaint à lui du désaccord qui s’affirme entre elle et son fils, il lui répond sur un ton d’amertume irritée qu’elle ne lui connaissait pas.

« Vous vous étonnez, dit-il, que votre fils aime la guerre. Réfléchissez. Il a dix-sept ans. Voilà dix ans qu’il comprend, qu’il voit, qu’il écoute. Qu’a-t-il appris ? Tout de suite, le prestige et la vénération des emblèmes militaires, la noblesse et l’éclat sans égal du métier des armes. Dans ses manuels d’histoire, les grands événements sont les guerres, et les grands héros sont les conquérants. Dans la ville, partout des noms de rues célèbrent des victoires et des maréchaux, partout des dômes, des colonnes, des arcs de triomphe sont dressés à la gloire des massacres. Dans les premiers livres dont il s’est récréé, figure toujours un Anglais ridicule ou un traître allemand, selon que l’ennemi héréditaire est à l’ouest ou à l’est. Car il change. Tous les discours officiels lui ont appris, non pas à aimer