Page:Michel Corday - Charlotte Corday, 1929.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

où il sauve l’organisme tout entier. Au fond, Marat était bon. Médecin, n’avait-il pas prodigué des soins gratuits à d’innombrables malheureux ? Il avait sincèrement l’amour du peuple. Une mère tendrement chérie le lui avait inspiré. Il l’avait mûri dans la souffrance, l’étude et la méditation. Il y puisait son inflexible énergie. Il était le peuple même. Il était l’âme de la Révolution.

Charlotte secouait la tête. Non, non, Marat n’aimait pas le peuple. Ce n’était pas aimer le peuple ignorant que d’exciter ses pires instincts pour rester son idole, et de le jeter à la tuerie sous couleur de le sauver. Aimer le peuple, c’est lui rendre la Paix.

Elle n’avait que trop écouté ces louanges serviles. Plus pressée que jamais d’agir après cette vaine alerte, elle reprit en hâte son chemin.

Le projet qu’elle nourrissait dans le secret d’elle-même avait pris désormais sa figure définitive. On peut dire qu’il lui ressemblait. On y retrouvait ses traits : le sens pratique, un peu de fine malice, et toute la générosité.