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nuaient dans la confiance de leurs hôtes. Leurs propos parvinrent jusqu’à Charlotte.

On montrait aux Normands le risque d’être traité en rebelles, de s’exposer pour un parti désormais ruiné. On dénigrait les Girondins, héroïques mais superficiels, brillants mais irrésolus. Ils avaient le don de la parole et manquaient de sens politique. Ils avaient fait la Révolution sans la vouloir et sans la comprendre.

À ces artistes égarés, les émissaires de la Montagne opposaient des hommes comme Marat. Car ils sentaient bien que toute la vindicte provinciale se concentrait sur lui. Ils le défendaient : Ils se portaient au-devant des calomnies que répandaient sur lui ses adversaires. Parce qu’il avait pris, en dix ans de séjour en Angleterre, l’habitude d’un sobre confort, ne l’accusait-on pas de cacher, sous un désordre voulu, des mœurs raffinées, le goût du luxe ? Sa violence même était salutaire : chaque fois que la Nation était tentée de se reposer à mi-côte, lui seul savait la fouetter, la cingler pour l’entraîner jusqu’au sommet. Ses ennemis lui reprochaient son âcre humeur. Mais le fiel est un stimulant nécessaire dans un corps vivant. Il y a des crises