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mêmes monstres et vénéraient les mêmes dieux. Leurs haines comme leurs enthousiasmes, à l’unisson, se renforçaient mutuellement.

Ainsi, pour elle, aucun doute : Marat était bien l’homme des massacres de septembre. Il en sortait trempé de sang. À vrai dire, il n’avait guère encore attiré son attention. Elle savait que, depuis trois ans, son journal l’Ami du Peuple n’était qu’une longue et criarde dénonciation : la grande trahison, le grand complot, la grande conspiration. Elle se rappelait un pamphlet de panique : « C’en est fait de nous ! » lancé dans l’immense allégresse des Fêtes de la Fédération de 1790, où Marat réclamait cinq cents têtes pour assurer le bonheur, le repos et la liberté du peuple. Un an plus tard, il proposait d’égorger La Fayette et Bailly, d’empaler les Constituants vendus à la Cour, d’attacher « leurs membres sanglants aux créneaux de la salle, afin d’épouvanter leurs successeurs ».

Elle l’imaginait difforme, hideux, vivant dans une cave comme un hibou dans son trou, n’en sortant que pour hurler à la mort dans les clubs des Jacobins, des Cordeliers. Bref, elle ne voyait confusément en lui qu’un agité,