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libération devait-il nécessairement entraîner ces excès abominables ? Étaient-ils la rançon de la félicité promise ? Ses craintes étaient encore confuses, flottantes dans son esprit. Pour la première fois, elles se précisèrent le jour où elle les reconnut, explicites, formelles, dans une page qu’Augustin Leclerc lui mit sous les yeux.

C’était une lettre ouverte que son cher abbé Raynal avait adressée à la Constituante. Un secrétaire l’avait lue à la tribune, parmi les cris de fureur et d’indignation des partis avancés.

Les scrupules de ce vieillard de quatre-vingts ans étaient pourtant pathétiques et dignes de respect. Il avait travaillé avec les grands précurseurs. La Révolution était un peu son œuvre. En la voyant glisser dans le sang, il se demandait s’il n’en était pas en partie responsable. « J’ai médité toute ma vie les idées que vous venez d’appliquer à la régénération du royaume, dans un temps où elles ne présentaient que la séduction d’un vœu consolant… Suis-je de ceux qui, en éprouvant une indignation généreuse contre le pouvoir arbitraire, ont peut-être donné des armes à la licence ? »