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espérances. Elle n’attendait que le bonheur d’autrui. Les vrais événements de sa vie, c’étaient ceux de la vie publique. Les mots de Liberté, de Paix, de Justice, représentaient vraiment pour elle des êtres vivants, des êtres aimés ; ils étaient pour elle ce que sont pour une mère les noms de ses enfants. Sa plus pure tendresse n’allait point à ses proches ; jaillie du plus profond d’elle-même, elle s’élançait en jet d’eau, retombait loin d’elle, sur le monde.

À la regarder vivre, on pouvait s’apercevoir qu’elle était insensible à elle-même, qu’elle ne s’intéressait pas à son propre sort, qu’elle s’intéressait seulement au sort des autres. Elle ne sortait vraiment de sa réserve et de rêverie, elle ne s’échauffait que dans la controverse politique. Alors, citant Rome et Sparte, au risque de passer pour pédante, sourde aux taquineries de son entourage, exaltée, logique, elle continuait de défendre, de sa voix délicieuse, sa croyance aux temps meilleurs.

Hélas ! Sa foi subit très vite de durs assauts. La longue trêve qui, depuis près de deux ans,