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tant d’honneur, suffisait de la main d’une femme. J’avoue que j’ai employé un artifice perfide pour l’attirer à me recevoir ; tous les moyens sont bons dans une telle circonstance. Je comptais en partant de Caen le sacrifier sur la cime de sa Montagne ; mais il n’allait plus à la Convention. Je voudrais avoir conservé votre lettre ; on aurait mieux connu que je n’avais pas de complice ; enfin, cela s’éclaircira. Nous sommes si bons républicains à Paris que l’on ne conçoit pas comment une femme inutile dont la plus longue vie serait bonne à rien, peut se sacrifier de sang-froid pour sauver tout son pays. Je m’attendais bien à mourir dans l’instant ; des hommes courageux et vraiment au-dessus de tout éloge m’ont préservée de la fureur bien excusable des malheureux que j’avais faits. Comme j’étais vraiment de sang-froid, je souffris des cris de quelques femmes ; mais qui sauve la Patrie ne s’aperçoit point de ce qu’il en coûte. Puisse la Paix s’établir aussitôt que je la désire ; voilà un grand préliminaire, sans cela, nous ne l’aurions jamais eue. Je jouis délicieusement de la Paix depuis deux jours ; le bonheur de mon pays fait le mien. Il n’est point de dévouement dont on ne retire plus de jouissance qu’il