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abrite le logis de l’abbesse, les bâtiments de la communauté, ordonnés autour d’un cloître, des jardins d’agrément, des vergers, un parterre, un parc coupé d’allées d’ormes. Au seuil, veille église, grise et rude, dont la base est romane et la flèche ogivale.

Une des tantes de Charlotte, Mme de Louvagny, était religieuse à l’Abbaye. Selon la légende de la famille, une déception d’amour l’avait conduite à prononcer ses vœux : elle aimait un jeune homme ; on avait voulu lui imposer comme époux un vieillard. Et puis le temps avait usé son chagrin.

Mme de Louvagny fut spécialement chargée de l’éducation religieuse de ses nièces. Mais, avec Charlotte, elle rencontra d’abord de grandes difficultés. L’adolescente n’entendait-elle pas examiner les dogmes ? Chez elle, cette prétention n’était pas neuve. Son oncle, l’abbé de Corday, s’en plaignait déjà, lorsqu’il lui enseignait les rudiments de la religion au presbytère de Vicques. « Elle discutait pied à pied, disait-il. Elle ne se rendait jamais. »

Elle continuait. Et, dans la chaleur de la discussion, une petite ride verticale se creusait entre ses sourcils, comme une réplique du sillon léger qui fendait son menton.