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Il était près de huit heures quand apparut la Place de la Révolution. Les feux du couchant embrasaient l’horizon. Le bourreau voulut masquer à la jeune fille la vue de la guillotine. Mais elle se pencha et dit encore : « J’ai bien le droit d’être curieuse. Je n’en ai jamais vu. »

Malgré ses entraves, elle gravit lestement, seule, les marches glissantes de l’échafaud. Lorsqu’un aide lui enleva son fichu et découvrit ses épaules, elle pâlit et se recula violemment. Ce fut la suprême révolte de sa pudeur. Sur son col, elle craignait plus les regards que le couperet. Mais, une dernière fois, elle retrouva le calme. Elle reprit ses vives, ses fraîches couleurs et elle en fut comme illuminée. Elle se jeta d’elle-même contre la bascule. Le choc du couperet rompit le silence absolu.

Quelques cris de « Vive la Nation ! Vive la République ! », montèrent de la foule qui, d’une seule coulée, avait couvert l’énorme place. Un aide-charpentier, qui avait réparé la guillotine, saisit aux cheveux, pour la montrer au peuple, cette tête qui semblait sourire encore. Et, par deux fois, il la souffleta.