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gnait une chaleur pénible. Lorsque Charlotte entra, un murmure de surprise monta de la foule avide et pressée. Point de cri. Son air de douceur et de jeunesse, de modestie tranquille et fière, imposait même aux énergumènes, habitués de l’audience, qui d’ordinaire huaient les accusés.

Elle s’assit. À sa droite, sur une estrade, siégeaient le président et les trois juges. Ils portaient l’habit et le manteau noirs, la cravate blanche, le chapeau à plumes, dont le bord était relevé par une cocarde tricolore. Derrière eux, les jurés étaient rangés en demi-cercle. Juste devant elle, un homme isolé à une table, le masque fourbe et cruel, la dévisageait. Elle reconnut l’accusateur public, l’homme qui allait requérir sa mort, Fouquier-Tinville.

Aussitôt après les questions d’identité, le président Montané lui demanda si elle avait un défenseur. Gustave Doulcet ne lui avait pas répondu. Elle s’offensait de son silence et le soupçonnait de se dérober. De sa voix musicale et presque enfantine, elle répliqua : « J’avais choisi un ami. Mais je n’en ai pas entendu parler depuis hier. Apparemment, il n’a pas eu le courage d’accepter ma défense. »