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Les mioches ne sont pas plus heureux que les autres dans cette société de privilège et d’iniquité.

Tout le monde les aiment les petits, c’est peut-être simplement une mode.

La société aussi, la vieille gueuse aime les enfants à sa manière, à la façon des ogres flairant la chair fraîche ; tout petits, petits, elle les élève dans des couveuses chauffées avec autant de soin que pour des petits poulets à qui on doit couper la gorge ; c’est que ces mioches-là, ce sont les poulets des privilégiés.

Si les parents meurent, ou sont trop pauvres pour leur donner la becquée, ce sont eux qui la procureront la becquée aux juges, qui les condamneront, dès l’âge de huit ans, plus petits peut-être, et plus tard encore, ils seront condamnés parce qu’ils l’ont été une première fois.

D’autres sont placés par l’Assistance dans des fermes ou ailleurs.

Il y a les colonies agricoles des abbés Rousselle ou autres, toutes places faites pour développer l’enfance, n’est-ce pas ?

Quel travailleur peut se flatter de l’espoir que ses petits n’iront pas là ? Il arrive tant d’accidents avec le travail.

Ce que deviennent les petits des oiseaux quand le père et la mère ont péri. Vous savez la chanson :

 La femelle est morte,
Le mâle, un chat l’emporte
Et dévore ses os.
.......................
Qui veille au nid ? personne,
Pauvres petits oiseaux !

Par un matin d’avril plus glacé qu’une nuit de décembre, j’eus l’occasion de voir (une des plus heureuses) parmi les enfants abandonnés ; elle paraissait six ans à peine ; elle en avait dix à onze.

La petite poussait un troupeau d’oies à travers les grands chaumes qui la faisaient trébucher à chaque pas.