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possible, il y a la chasse, surtout aux fauves sans doute, pas encore la guerre, les hommes ayant besoin les uns des autres — depuis la force a évolué, elle ne protège plus, elle écrase, c’est sa fin.

L’autre, la galerie des machines, il y en a de monstrueuses. Un bruit de ruches, on y entend tel que le feraient des abeilles d’airain, cela vous captive, vous attire presque entre les rouages des colosses.

Quel abîme entre les deux époques, les deux extrémités du cercle se joignent, un autre cycle va s’ouvrir et d’autres éternellement se dessinent et s’effacent pareils à ceux qui se forment quand on jette une pierre dans l’eau toujours de plus en plus larges.

Et, dans ce temps provisoire, enveloppée du linceul de la chrysalide, l’humanité sent déjà poindre des sens nouveaux — et s’éteindre quelques-uns des anciens ; la personnalité, s’augmente des milliards de vie qui s’agitent autour de nous pareilles à la goutte d’eau qui tient à l’immensité des mers. La terre semble toute petite, on dirait que des autres sphères viennent des appels à l’internationale des mondes et nul souffle humain n’est plus dans le cœur ni sur les pages ; on vit en avant, sans se rendre compte, primates que nous sommes.

Les forces inconnues dont la cause nous échappe, quelque naturelle qu’elle soit, les erreurs de notre appréciation, les lenteurs du langage qui rêvent mal la pensée ; l’ignorance des découvertes prochaines, toutes ces choses nous entravent — il n’existe plus de mots pour rendre les choses qu’on voit poindre ; derniers d’une époque, nous faisons les semis, nous gâchons le mortier, d’autres bâtiront l’édifice et nous allons disparaître enveloppés avec tout ce qui fut vivant comme d’un suaire dont on ramène les coins sur le cadavre. Quand, sous le linceul des eaux, on retrouvera l’atlantide sombrée comme un navire, elle ne sera pas plus morte que nous ne le serons d’hier ou d’aujourd’hui une fois disparu, n’est-ce pas la même ombre.