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Le bon vieux mineur, pour distraire ses amis les Karadeuk, leur porta un jour le Journal des tribunaux. C’était la première séance de l’affaire Brodard. Le réquisitoire l’occupait tout entière. Le n° 30, 215 du bagne de Toulon, condamné aux travaux forcés à perpétuité pour tentative de meurtre sur son ancien patron. (D’abord taciturne impossible à utiliser, il était devenu tout autre depuis le départ. de Lesorne, ces deux hommes exerçaient l’un sur l’autre une fâcheuse influence.) Telle était la note envoyée de Toulon à M. X…, à l’arrivée de Lesorne passant pour Brodard. « Il était, dit le procureur impérial, l’inventeur d’une méthode d’assassinat qui avait fait école. On devait lui imputer tous les crimes commis de cette sorte. « De Toulon, il était inspirateur ; en liberté, il était exécuteur ; il lui avait « fallu, pour se faire gracier par l’administration (pour services), une duplicité phénoménale, il en faisait preuve encore en prétendant qu’il était venu se li « vrer lui-même. « < << Dans ce cas n’amènerait-il pas des témoins ? n’aurait-il pas des preuves ? << Mais rien ! rien ! Vous allez le voir tout couvert du sang de ses victimes, « jouer les grands sentiments, on l’arrête au moment où il allait partir. Je venais, dit-il. « < « < Infâme mensonge ! et les agents ne lui trouvent même pas son billet de « < chemin de fer. Ne se serait-il pas empressé de le montrer ? « Il feint de travailler ou de rendre quelques services à la préfecture, et c’est « < lui qui a guidé son fils dans le sentier du mal. « < « Nous le trouvons l’accompagnant chez une nommée Me Grégoire, qui protégeait les débordements d’une fille appelée Clara Busoni, dès le premier soir « de son arrivée à Paris. « Ce premier jour d’arrivée coïncide pour la seconde fois avec une tentative « d’assassinat sur son ancien patron ! — Cette fois la tentative réussit. —Sansblair « est-il l’assassin ? on le croit, mais à coup sûr Brodard est complice. « Pourtant on est dupe de la régularité de sa vie ; il travaille comme manœu « vre à la préfecture même. Quelque temps après, Brodard dirige l’évasion de
- son fils.
« Évasion accomplie à l’aide de bandits avec lesquels correspondaient le père « et le fils. « Brodard, au dire de tout le monde, n’avait qu’un bon sentiment : son « amour pour ses enfants ; cet amour lui avait fait commettre d’autres crimes pour « < assurer leur sécurité. C’est à l’aide des sommes volées chez la comtesse de « Beaulieu qu’il devait les entretenir quelque part. C’est cela qu’il ne voulait • pas dire d’où il venait. « < Que de crimes ! perpétrés par cet horrible coup de bâton qui brise le crâne, « Combien il en commit avant la malheureuse Rosa ! Les attentats seuls, qu’il « essayait autrement ne réussissaient pas ; témoin celui qu’il avait commis « contre la comtesse Olympe de Beaulieu et la baronne Amélia.