789 — Attendez, dit Davys-Roth, avant d’être sévère, il faut voir si, accablé comme je le suis, je n’aurais point oublié moi-même la plainte, dans les papiers de mon refuge, car c’est ici, messieurs, mon refuge contre les envahissements des occupations de toute sorte. En parlant ainsi, il faisait entrer les agents et M. X… dans la pièce où se trouvait le bureau et commençait à bouleverser les papiers en disant à M. X… : Aidez-moi donc, monsieur ! Ce dernier était mal à son aise, voyant qu’il avait été indiscret. Le subterfuge préparé la veille réussit parfaitement : ce fut M. X… lui-même qui trouva la plainte préparée et cachetée avec son adresse. 1 Je suis coupable, dit Davys-Roth, tout à coup radouci. M. X… lisait attentivement. Ainsi, dit-il, la tentative a eu lieu avant hier, et c’est simplement la nuit dernière que nous avons trouvé l’homme assassiné. Quel homme ? demanda Davys-Roth avec une grande simplicité. Je vous l’ai dit en arrivant, mais vous n’avez pas fait attention. Et M. X… donna de nouveau à Davys-Roth des détails sur la mort de l’homme qu’on avait reconnu à sa carte pour un agent de police. Tout cela se tient, interrompit le père ; il n’est pas difficile de deviner que la tentative vient de quelque misérable révolutionnaire, qui aura voulu se rendre compte de mes occupations ; l’agent l’aura suivi et aura payé ce courage de sa vie. Le crime a dû être commis avant que j’eusse pris la détermination, devant une seconde violation de ma demeure, de faire le guet moi-même. C’est ce qui m’explique, dit M. X…, que la porte donnant sur la rue ait été réparée. Sans doute, dit Davys-Roth, je l’ai fait immédiatement arranger. A tout autre qu’au père, M. X… eût demandé le nom et l’adresse de l’ouvrier qui avait réparé les serrures ; mais la pensée ne lui en vint même pas. Quelle étrange affaire ! dit Davys-Roth. Bien étrange, en vérité. Ils causaient de l’air le plus naturel et le plus amical du monde ; au fond, le prêtre se demandait si Jean-Étienne n’avait pas eu le temps de le dénoncer à M. X… Me voilà rentré en grâce avec lui, se disait M. X… Me permettez-vous, dit-il, de visiter les lieux ? peut-être trouverons-nous quelque indice. Sans doute, dit Davys-Roth, j’allais vous le proposer. La perquisition commence, lente, minutieuse comme il arrive quand on veut punir un attentat contre les personnes ou les choses saintes. Davys-Roth ouvrit des armoires pleines de livres qu’on n’eût jamais aperçus sans lui, cachées qu’elles étaient par les panneaux des boiseries. Tout ce qu’on trouvait était matières d’édification des livres saints, des brochures pieuses, des ouvrages commencés ; tous ayant des titres à la bienveillance de ceux qui comptent sur la religion pour enchaîner les peuples. Le trésor de patience, à l’usage des pauvres.
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LA MISÈRE
