tremblait si fort que l’huile tombait tout autour d’elle et arrosait sa robe.
Au bout de trois ou quatre heures, un colonel vint nous interroger, mais nous ne voulûmes rien répondre avant que la pauvre vieille eût été mise en liberté ; sa frayeur et la burette d’huile vacillant dans ses mains, témoignaient assez qu’elle n’avait pas manifesté.
On finit par se comprendre, elle sortit tremblant sur ses jambes, essayant de ne pas laisser tomber sa burette dont l’huile continuait à se répandre.
Alors on procéda à notre interrogatoire, et comme nous saisissions l’occasion pour exposer notre demande d’armes pour notre bataillon de volontaires, l’officier qui ne paraissait pas comprendre s’écria stupidement : « Qu’est-ce que cela vous fait que Strasbourg périsse puisque vous n’y êtes pas ! »
C’était un gros homme, de figure régulière et bête, carré des épaules, bien campé, un exemplaire doré sur tranches du grade de colonel.
Il n’y avait rien à répondre qu’à le regarder en face.
Comme je disais tout haut le numéro de son képi, il comprit peut-être ce qu’il venait de dire et s’en alla.
Quelques heures plus tard, un membre du gouvernement arrivant à l’Hôtel-de-Ville nous fit mettre en liberté l’étudiant, André Leo et moi.
Moitié par la force, moitié avec des mensonges, la manifestation avait été dispersée.
Ce jour-là même Strasbourg succombait.
On parlait beaucoup de l’armée de la Loire, — Guillaume, disait-on, se trouverait pris entre cette armée et une formidable sortie des Parisiens.
La confiance au gouvernement diminuait de jour en jour ; on le jugeait incapable, comme tout gouvernement, du reste, mais on comptait sur l’élan de Paris.
En attendant, chacun trouvait du temps pour s’exercer au tir dans les baraques ; j’y étais pour ma part