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VII

souvenirs

Une fanfare sonne au fond du noir mystère
Et bien d’autres y vont que je retrouverai.
Écoutez, on entend des pas lourds sur la terre ;
C’est une étape humaine, avec ceux-là j’irai.
(L. M. — Le Voyage.)


J’avais écrit d’abord ce volume sans rien raconter de moi ; sur l’observation de mes amis, j’ai ajouté quelques épisodes personnels aux premiers chapitres malgré l’ennui que j’en éprouvais ; puis il s’est produit un effet tout opposé : en avançant dans le récit, j’ai aimé à revivre ce temps de la lutte pour la liberté, qui fut ma véritable existence, et j’aime aujourd’hui à l’y laisser mêlée.

C’est pourquoi je regarde au fond de ma pensée comme en une suite de tableaux où passent ensemble des milliers d’existences humaines disparues à jamais.

Nous voici au Champ-de-Mars, les armes en faisceaux, la nuit est belle. Vers trois heures du matin, on part, croyant aller jusqu’à Versailles. Je parle avec le vieux Louis Moreau qui, lui aussi, est heureux de partir ; il m’a donné en place de mon vieux fusil une petite carabine Rémington ; pour la première fois j’ai une bonne arme quoiqu’on la dise peu sûre, ce qui n’est pas vrai. Je raconte les mensonges que j’ai dits à ma mère pour qu’elle ne soit pas inquiète, toutes mes précautions sont prises, j’ai dans ma poche des lettres toutes prêtes pour lui donner des nouvelles rassurantes, ce sera daté de plus tard ; je lui dis qu’on a eu besoin de moi dans une ambulance, que j’irai à Montmartre à la première occasion.

Pauvre femme, combien je l’aimais ! Combien je lui