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» Arrivé à cet endroit, je communiquai l’ordre au major de Boulen.

» — Il me faut, répondit-il, un ordre du major commandant pour marcher.

» — Comment, lui dis-je, votre colonel le demande parce que le combat l’exige et vous refusez.

» — Je ne puis, dit-il.

» Je dus porter cette lâche réponse à Rochebrune qui en l’entendant se mordit les mains de rage en s’écriant : Trahison partout, et montant debout sur le mur qui fermait de ce côté, il commanda de le suivre. Mais en même temps il tombait frappé mortellement.

» J’ai pris part à quelques batailles, mais dans aucune je n’ai vu de soldats se trouver en si grande perdition que les braves gardes nationaux dans cette journée du 19 janvier.

» Ils étaient mitraillés en face par les Prussiens, derrière par le Mont-Valérien qui envoyait ses obus sur nous, croyant viser l’armée ennemie. Là s’était renfermé le fameux gouverneur de Paris qui ne se rend pas ; sur la droite nous étions mitraillés encore par une batterie française placée à Rueil qui trouvait le moyen de nous prendre pour les Prussiens.

» Malgré cela, pas un ne bougeait de sa place et ceux qui avaient épuisé leurs cartouches prenaient celles des morts.

» À quatre heures de l’après-midi, comme on combattait depuis neuf heures, arriva un ordre de Ducrot de battre en retraite.

» Nous refusâmes, continuant la fusillade jusqu’à dix heures du soir. Nous aurions pu continuer toujours, car les premiers qui avaient déjà plié bagage n’avaient nulle envie de nous surprendre. Donc ce 19 janvier, sans la trahison ou l’imbécillité, la trouée était faite, Paris dégagé, la France délivrée.

» Trochu, Ducrot, Vinoy et tutti quanti ne l’ont pas