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l’idée de l’état


aussi parce que l’hérésie est un ferment de trouble dans le royaume, parce que l’unité de foi lui paraît être la meilleure caution de l’unité de loi. Il intervient dans les questions de dogme, et se fait théologien, pour tracer des limites à l’autorité du pape et demeurer maître chez lui. Il existe en France, je le sais, une religion d’État ; mais dans l’accord intervenu entre l’Etat et la religion, l’État reçoit au moins autant qu’il donne. En professant le catholicisme, l’État, suivant une forte parole, « ne se met pas tant dans la religion qu’il ne l’appelle à lui » ». Turgot, examinant beaucoup plus tard, mais dans un esprit qui n’a pas cessé d’être celui des légistes et des grands administrateurs de la monarchie, les conditions auxquelles l’État peut accorder sa « protection » à une religion, prend soin de dire que l’État protège les religions comme « utiles », non comme « vraies », et que « toute religion n’est pas propre à être ainsi adoptée par la politique- ».

La raison d’État est l’instrument naturel d’une politique qui a pour but l’agrandissement de l’État. Elle autorise le prince à employer la ruse et le mensonge dans les relations internationales, et, dans ses relations avec ses sujets, à regiiMer comme licite tout ce qui est favorable au gouvernement. Mais le triomphe de la raison d’État, qu’est-ce autre chose que l’éviction de la morale hors du domaine de la politique ? On a pu dire, en effet, avec toute raison, que la ix)litique et la morale ont été, jusqu’à la Réforme, pour une petite portion de l’Europe, et jusqu’à la Révolution française pour une plus grande, « deux mondes distincts^». Non pas, assurément, que toute politique ait été immorale jusque-là ; encore moins, que les fins morales aient été entièrement ignorées des princes ou . Lamennais, Des progrès de la Révolution, p. 100. . Première Lettre sur la Tolérance (Œuvres, t. Il, p. 677 et C8C) . lloLTZENDORFF, Principes de la Politique (Irad. franc., p. ’.'0).