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enfonçait ses bras, tant qu’elle le pouvait, dans un manchon presque aussi gros qu’elle.

Les boulevards étaient couverts de boutiques, et Marthe fit tant d’achats, pour commencer, que bientôt la grand’tante n’eut plus qu’une pièce de dix sous.

La petite fille avait plein les bras et plein son manchon d’objets fort éclatants, coûtant très-peu et ne valant pas davantage.

Sachant qu’il n’y avait plus beaucoup à dépenser, elle s’avisa de penser aux petits enfants qui avaient passé leur jour de l’an sans jouets et sans bonbons.

C’était fort vilain d’y avoir songé si tard, mais Marthe n’avait encore que six ans et, au fond, elle n’avait pas mauvais cœur.

Du reste, sa tante la gâtait trop et d’une manière qui n’était pas raisonnable.

Au moment où elle commençait à penser aux autres assez tardivement, deux enfants, plus petits qu’elle, frappèrent ses regards ; ils étaient si pâles et paraissaient si tristes que la bonne tante en fut frappée comme elle.

Le plus âgé, vêtu fort proprement de noir, mais d’une manière trop légère pour la saison, était arrêté pour ajuster au cou de son frère, qui grelottait quoique plus chaudement habillé, sa petite cravate de laine, et il avait, le pauvre enfant, son petit cou tout violet de froid.

« Où allez-vous ainsi, mes petits amis ? » leur demanda la tante.

— Nous revenons, madame, répondit l’aîné, de chez une dame