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La vieille laissa échapper étourdiment ces mots :

« Il y a longtemps que j’y songions, nous deux Jean-Claude : car c’est grand dommage de laisser mourir un pauvre brave homme qui sera tant pleuré.

— Mon père, n’a-t-il jamais essayé, dit Rose, de rendre quelque chose ?

— Dame, Mamzelle, depuis ses arrière-grands−pères, ils ont toujours soutenu, en dessous, les familles ; mais ça ne leur satisfaisait pas encore la conscience, et votre père, c’est de même. »

Toutes deux se prirent à pleurer, tant la confiance et la douleur de Rose avaient ému la bonne femme. Elle arriva alors à une seconde étourderie, elle qui pourtant avait si forte tête, comme on disait dans le pays.

« Je verrons avec Jean-Claude ! »

À peine ces paroles étaient-elles dites, que Rose s’écriait : « Je comprends, Jeannette, vous et Jean-Claude descendez des familles qui ont fait ces tristes marchés.

La vieille ne répondit pas.

Rose continua : « Ne me refusez pas ce que je vous vais demander. Vous et Jean-Claude, vous êtes bien vieux, quoique ce soit le plus jeune de vos neveux ; vous allez venir demeurer parmi nous ; mon père souffrira moins, et vous serez bien choyés, bien heureux ! »

En parlant ainsi, elle rougissait la pauvre fille, car au fond, les terres, si étrangement achetées par son aïeul, étaient beaucoup à Jeannette.

Celle-ci eut pitié de l’enfant.