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cent ans, cela devait être bien vieux ! Mais elle ne savait pourquoi ce commencement d’histoire lui faisait peur.

« Alors, continua la vieille, l’arrière-grand-père de votre père, qui s’appelait François Blaise, commença à acheter beaucoup de petits champs à ceux qui ne voulaient pas laisser mourir de faim leurs enfants ou leurs vieux parents. »

Rose fondait en larmes.

« Dame, ma fille, dit la vieille, t’as voulu savoir.

— Oui, ma bonne Jeannette, dit la jeune fille, il faut que je sache, pour que mon père guérisse. »

Et, séchant ses larmes, elle écouta avec fermeté.

Jeannette continua :

« François Blaise, déjà riche, se maria richement, mais il y avait dans le village des familles ruinées. Il prit la chose à cœur et mourut.

« Son fils, à qui il avait, sans doute, recommandé quelque chose en mourant, mais qui n’avait point osé le faire, prit tristesse au même âge ; il mourut.

« Ton père est le cinquième. »

Rose avait trouvé un expédient ; mais il eût fallu dire à son père qu’elle connaissait le secret.

« Que feriez-vous à ma place, Jeannette ? demanda-t-elle.

— Dame, Mamz’elle, c’est délicat ! dit la vieille.

— Mais enfin, disait la pauvre jeune fille, en joignant les mains, comment rendre ces maudits champs sans faire honte à notre père ? »