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sourde, il comptait son argent en tremblant de peur, et d’affection aussi ; car il aimait ce trésor comme on aime sa famille, son pays, sa mère, tout ce qu’on a de plus cher au monde.

Un soir donc, à genoux au pied du chêne, il venait de compter, en tremblant, son or, le caressant de la main comme on eût fait à un enfant, et pensant que s’il se fût marié, sa femme aurait dépensé pour se nourrir et se vêtir, qu’il eût fallu élever ses enfants, que tout cela coûte horriblement, et qu’en restant seul il avait pu entasser. Il regrettait seulement de ne pouvoir vivre sans manger.

Mais il ne regrettait pas d’être demeuré orphelin fort jeune ; il aimait mieux son trésor qu’une famille.

Une seule chose l’ennuyait, c’est qu’on n’enterrerait pas son or avec lui ; et c’est à cela qu’il pensait, outre la crainte qu’il avait qu’on vint le surprendre.

Il avait donc grand soin de tourner contre lui la lueur de sa lanterne, et le moindre bruit de vent dans les feuilles le faisait tressaillir.

Tout à coup, une lueur rouge parut au fond d’une allée couverte, et en même temps une grande chasse, une chasse fantastique, telle que celles des légendes, s’élança de son côté ; les chiens ne donnaient pas un coup de voix, ils flairaient la piste ; les chasseurs à cheval ne donnaient pas de fanfare ; c’était la chasse du Grand-Veneur, mais avec le silence de la mort, une vraie chasse de fantômes.

Le père Mathieu croyait à tous les chasseurs fantômes, beaucoup plus fermement qu’à sa conscience qu’il n’avait jamais sentie ; il serra son trésor contre son cœur, sous sa