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c’était le bois ; le nid de son enfance, l’asile de sa vieillesse, c’était toujours le bois.

D’où venait-elle ? personne n’en savait rien, ni elle non plus. La première fois qu’on l’avait vue, déjà vieille, elle sortait d’un autre bois où sa mère l’avait élevée et venait de mourir.

Chéchette aimait sa mère à sa manière. Elle s’en alla dans un autre village et s’y établit au milieu de la forêt.

C’était une étrange créature, dernier rejeton sans doute de quelque race nomade.

Tant que l’été durait, elle se nourrissait de fruits sauvages ; et, pendant l’hiver, elle avait son magasin, où étaient entassés les baies rouges des sorbiers, les faînes huileuses, les glands, toutes les richesses de la forêt.

Parfois les écureuils, les sangliers, les rats visitaient son magasin : car le rocher qui lui servait d’abri était couvert largement… Si, à son retour de quelque promenade lointaine, elle ne trouvait plus rien, Chéchette recommençait ses provisions. Quand l’accident arrivait en hiver, elle allait jusqu’au village et demandait du pain.

Les uns avaient pitié de la pauvre folle et remplissaient largement le haillon qui lui servait de tablier ou lui donnaient d’autres vêtements ; à ceux−là, elle souhaitait, dans sa langue, une infinité de belles choses.

Les autres se moquaient d’elle. Alors Chéchette faisait entendre un grognement fort expressif ; c’était sa manière peut-être de souhaiter le mal.

La nourriture qu’on lui donnait, un peu moins grossière que la sienne, lui semblait une suite de festins tant