XV
Voici deux ans environ que je suis revenu de Carrare, où j’étais allé extraire les marbres pour les tombeaux du cardinal (Médicis). Quand j’allai lui en parler, il me dit de prendre la bonne résolution de faire vite ces tombeaux (des Médicis). Je lui envoyai par écrit tous les moyens de les faire, — et vous le savez, vous qui les lui avez lus, — c’est-à-dire que je les entreprendrais, à forfait, et au mois ou à la journée, comme il plairait à Sa Seigneurie, car je désirais les faire. Aucun de ces projets ne fut accepté. On répondit que je n’avais pas en tête de servir le cardinal. Plus tard, le cardinal revenant là-dessus, je lui offris de faire les modèles en bois, à la grandeur égale des tombeaux projetés, et d’y comprendre toutes les figures en terre et bourre, de la grandeur voulue et finies, comme elles le seraient (en marbre), et j’exposai que ce serait là sujet de peu de dépense : ce fut quand nous voulûmes acheter le jardin des Caccini. On n’en fit rien, comme vous le savez. Quand le cardinal s’en fut en Lombardie, dès que je le sus, j’allai le trouver parce que je désirais me mettre à son service. Il me dit de chercher les marbres, de réunir les hommes et de faire tout ce que je pourrais pour qu’il trouvât quelque chose de fait, sans que j’eusse à lui en demander davantage ; et il ajouta que, s’il vivait, il ferait encore la façade (du Dôme de Florence) et qu’il laisserait à Dominique Boninsegni la commission de verser tout l’argent nécessaire. Le cardinal parti, j’écrivis tout ce qu’il m’avait dit à Dominique Boninsegni, en ajoutant que j’étais prêt à faire tout ce que désirait le cardinal ; et de ceci je gardai la copie et j’écrivis devant témoins, afin que chacun sût que je n’avais pas d’autres engagements à prendre. Dominique vint aussitôt me trouver et me dit qu’il n’avait reçu aucune commission et que, si je ne voulais rien, il l’écrirait au cardinal. Je lui dis que je ne voulais rien. Finalement, au retour du cardinal, Giovanni me dit que Médicis lui avait demandé de mes nouvelles. J’allai aussitôt le voir, estimant qu’il voulait parler des tombeaux. Le cardinal me dit : « Nous voudrions que ces tombeaux présentassent quelque chose de bon, c’est-à-dire quelque chose de ta main. » Mais il n’ajouta point qu’il voulait que je les fasse. Je partis donc en disant que je reviendrais lui parler, lorsque les marbres seraient là.
À présent vous savez comment, à Rome, le pape a été informé du tombeau du pape Jules et comment, par un motu proprio, il a été procédé contre moi pour me demander ce que j’avais fait de cette œuvre et quels deniers j’en avais reçus. Vous savez que le pape ajouta : « Que Michel-Ange fasse les tombeaux (des Médicis), s’il ne veut pas faire celui-ci (de Jules II). » Il faut donc que je m’y engage, comme vous voyez que j’en reçois l’ordre, si je ne veux pas m’exposer à mal. Et si le cardinal de Médicis veut, à présent de nouveau, comme vous me le dites, que je fasse les tombeaux de San-Lorenzo, vous voyez bien que je ne le puis à Florence, s’il ne me libère pas