XI
… Je portai votre lettre au cardinal, qui me fît beaucoup d’amabilités et de
promesses. Mais, sur ce que je demandais, il me dit que le pape avait donné
la Salle des Pontifes aux élèves de Raphaël et que ceux-ci avaient peint
à l’huile sur le mur une figure qui était une belle chose, de telle sorte que
personne ne regarderait plus les Chambres que Raphaël a faites, que cette
salle stupéfierait les visiteurs et que ce serait la plus belle œuvre de peinture
faite depuis les temps antiques jusqu’aux nôtres. Ensuite, il me demanda si
j’avais lu votre lettre. Je lui répondis que non. Il se mit à en rire fort, comme
si j’avais dit une plaisanterie ; et, sur de bonnes paroles, il me congédia.
Depuis, j’ai appris par Bacino de Michelagnolo (Bandinelli), qui fait le
Laocoon [1] que le cardinal lui a montré votre lettre et l’a montrée aussi au
pape, et qu’il n’est au Palais d’autre sujet de conversation que cette lettre
qui fait rire tout le monde.
(Arch. Buonarroti.)
XII
à Florence. (De passage à Rome.)
… J’ai la tête vide, au sujet de cette statue dont les membres pourraient être utilisés, si j’en crois un maraîcher installé sur la Place, un grand ami à moi, qui m’a dit en secret qu’on y ferait un beau pigeonnier. Une autre fantaisie me poursuit, qui serait bien meilleure ; mais il faudrait faire cette statue très grande, — et on le pourrait puisqu’on fait une tour par morceaux. La tête de cette statue servirait de campanile à San-Lorenzo, qui en a grand besoin. Les cloches, placées dans la tête, feraient sortir leurs sons par la bouche, et il semblerait que ce colosse crierait miséricorde, surtout aux jours de fêtes, quand on sonne plus souvent et à plus grandes volées.
(Arch. Buonarroti.)
- ↑ Cette copie de bronze, que le cardinal Bibbiena faisait exécuter pour l’offrir à François Ier, est conservée depuis au Musée du Louvre.