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MICHEL-ANGE.

sur un pal. Dans le troisième, là-bas, figure la vengeance exercée par Judith contre Holopherne. Dans le quatrième enfin, David lutte contre Goliath. Et telle est, brièvement racontée, toute l’histoire peinte de cette chapelle.

XXXV. — Mais non moins merveilleuse est la partie qui n’appartient pas à l’histoire. Là, figurent certains nus qui, assis sur la corniche et sur les plinthes, çà et là, portent des médaillons de métal feint sur lesquels divers épisodes sont peints, se rapportant au sujet principal. En toutes ces créations Michel-Ange a fait preuve d’un art très grand, pour l’harmonie des compartiments, pour la diversité des attitudes et pour le contraste des lieux. Pour décrire tous les détails de cette œuvre infinie, un volume ne suffirait pas. Je les ai brièvement esquissés, voulant plutôt faire un peu de lumière sur l’ensemble qu’en préciser les parties.

XXXVI. — Pendant que Michel-Ange travaillait à cette œuvre, les déboires ne lui manquèrent pas. Quand il eut fait le cadre du Déluge, il s’aperçut que la peinture commençait à moisir à ce point que les figures s’y devinaient à peine. Estimant que cette excuse lui devait suffire pour se récuser d’une telle charge, il s’en vint trouver le pape et lui dit : « J’ai déjà dit à Votre Sainteté que ce n’est pas mon métier de peindre. Ce que j’ai fait est gâté ; et si vous ne me croyez pas, envoyez-y voir. » Le pape manda San-Gallo, qui, constatant le dégât, se rendit compte qu’il y avait eu trop d’eau dans la chaux et que l’humidité, en suintant, avait produit cet effet. Il s’en excusa auprès de Michel-Ange et fit en sorte que le maître poursuivrait son œuvre sans avoir à faire valoir d’autres excuses.

XXXVII. — Pendant que Michel-Ange peignait la chapelle, le pape Jules plusieurs fois voulut aller le voir. Il montait sur une échelle à barreaux, Michel-Ange la soutenait de la main, et le pape arrivait ainsi sur le pont. Comme il était de nature violente et impatiente d’attendre, quand l’ouvrage fut à moitié fait, — c’est-à-dire de la porte à la moitié de la voûte, — il voulut que Michel-Ange découvrît cette partie, encore qu’imparfaite, et sans que la dernière main y fût donnée. L’opinion qu’on avait de Michel-Ange et ce qu’on en attendait, amena Rome entière voir cette œuvre. Le pape y alla aussi, avant que la poussière soulevée par les échafaudages défaits ne fût tombée.

XXXVIII. — Quand Raphaël vit cette nouvelle et merveilleuse manière de peindre, comme il était admirable dans l’imitation, il chercha, à l’aide de Bramante, à avoir la commande du reste. Michel-Ange, l’apprenant, s’en troubla. Il alla trouver le pape Jules et se plaignit gravement de l’injure que lui faisait Bramante. En présence même de ce dernier, il découvrit au pape toutes les persécutions qu’il avait souffertes de cet homme. À ces nombreux manquements il ajouta surtout, à l’adresse de Bramante, le reproche de défaire le vieux Saint-Pierre et de jeter à terre les merveilleuses colonnes qui avaient fait la gloire de ce temple, Ne sachant pas les estimer, que lui importait qu’elles allassent en morceaux, au lieu de les étayer et de les conserver entières ? Il montra comme il était facile de mettre briques sur briques, mais comme il était difficile de refaire une colonne semblable à celles-là. Il ajouta bien d’autres choses qu’il est inutile de raconter, de sorte que le pape, ayant entendu ces tristesses, voulut que Michel-Ange continuât ses peintures, et lui fit encore plus de faveurs qu’avant. Le maître acheva