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MICHEL-ANGE.

Il faudrait, s’il est vrai que les amants soient identifiés, que, pour rendre ses traits, je copiasse les vôtres.


SONNET XXXVII
Per la via degl’ affanni…

J’espère, avec la grâce de Dieu, arriver au ciel, par le chemin des afflictions et des jeûnes. Mais ce qu’il ne m’est plus permis d’espérer, c’est de me rapprocher de vous, avant d’abandonner ma mortelle dépouille.

Cependant, malgré la mer orageuse et les terres qui nous séparent, mon amitié sait braver les frimas, surmonter les obstacles, et me transporter jusqu’à vous, sur les ailes de la pensée que rien n’enchaîne.

Plein de votre doux souvenir, je donne pourtant quelques larmes à mon cher et fidèle Urbin. Que ne vit-il encore ! Il serait avec moi.

Hélas ! c’est tout mon désir. Mais son trépas m’appelle ; il m’a ouvert le chemin et m’attend dans le ciel [1].


SONNET XXXVIII
Se con lo stil e coi colori avete…

Sous tes crayons et tes pinceaux, l’art sait égaler la nature. Que dis-je ? tu lui ravis presque la palme en embellissant ses ouvrages.

Mais quand ta docte main s’applique à un travail plus noble encore, à écrire, ton triomphe devient complet ; tu donnes l’immortalité à des hommes.

Que si jamais, dans aucun siècle, l’art put rivaliser avec la nature, tôt ou tard ce qu’il a produit doit périr, et la nature triompher ;

Mais toi, arrachant de l’oubli des souvenirs éteints, tu la forces avoir vivre autant qu’elle des noms qui iront, avec le tien, à l’immortalité [2].


  1. À Mgr Ludovic Beccadelli, archevêque de Bayeux, qu’il n’espère plus revoir en ce monde.
  2. À Georges Vasari, pour le féliciter de tenir la plume aussi habilement que le pinceau.