cérémonies des femmes ne sont pas en usage, entre nous. Il me suffit que vous soyez mon compère, et par une autre (occasion] je vous enverrai l’agnelle.
J’ai déjà tait baptiser l’enfant depuis plusieurs jours et je lui ai donné le nom de Lucien, qui est le nom de mon père. Si messire Domenico Boninsegni daigne être mon compère, il me fera un sensible plaisir, car je ne veux pour compères que des hommes de bien.
Outre cela, je vous apprends que j’ai fini le tableau et que je l’ai porté au palais. Il a plu à chacun plutôt que déplu, excepté aux (détracteurs) ordinaires, mais ils ne savent que dire. Il me suffit que Monseigneur Révérendissime m’ait dit que je l’avais satisfait au delà de ses désirs. Je crois que mon tableau est mieux dessiné que les tapisseries venues de Flandre.
Maintenant, ayant fait de mon côté à peu près ce que je devais, j’ai cherché à obtenir Je mon payement. Monseigneur Révérendissime m’a dit que, comme nous en sommes convenus ensemble avec messire Domenico, il veut que vous jugiez cette œuvre. Quoique, pour arriver promptement à conclusion, je m’en remette a Sa Seigneurie Révérendissime, il n’y veut rien entendre. Je lui ai montré le compte du tout ; il veut que je vous l’adresse et que vous voyiez ce tout. Je vous renvoie donc et je vous prie, si jamais vous m’avez fait un plaisir, de faire cela sans crainte aucune ; car Monseigneur Révérendissime et moi, nous nous en remettons absolument à vous. Il suffit que vous ayez vu l’ouvrage commencé ; il y a quarante figures en tout, sans celles du paysage. Ce travail comprend le tableau du cardinal Rengone, qui est porté sur le même compte ; messire Domenico l’a vu et sait de quelle grandeur il est. Je ne vous dirai pas autre chose Mon compère, je vous en prie, expédiez la chose promptement, avant que Monseigneur Révérendissime parte de Rome ; car, pour vous le dire à vous, je suis à bout.
Jesus-Christ vous conserve en santé. Recommandez-moi à messire Domenico, et je me recommande à vous mille fois.
Votre très fidèle compère Sébastien, peintre à Rome.
VII
Mon très cher Compère,
Je crois que vous êtes las d’apprendre des nouvelles de votre Pietro Urbano. De celles qui ne vous concernent pas, je ne vous écris rien, parce que ce n’est pas mon métier de dire du mal de personne, surtout de ceux qui ne m’ont pas fait de déplaisir. Mais comme il vous a fait honte et tient peu compte de vous, l’amitié que je vous porte m’oblige à vous faire connaître une partie de sa bonne conduite.
Premièrement, vous l’avez envoyé à Rome avec la figure [1], pour qu’il la finisse et la mette en place. De cela, savez-vous ce qu’il a fait et manqué à faire ? Je vous apprends que, dans tout ce à quoi il a travaillé, il a estropié toute chose ; surtout il a raccourci le pied droit, et l’on voit clairement qu’il en a tronqué les doigts ; il a raccourci de même ceux des mains, surtout de celle qui tient la croix, c’est-à-dire de la droite. Frizzi dit qu’ils semblent avoir été faits par un fabricant de gimblettes. Cette main n’a pas l’air de marbre, on la croirait faite par un ouvrier en pâte, tant les doigts sont raides. Je ne m’entends pas à cela, ne sachant pas comment se travaille le marbre ; mais je puis vous dire que les doigts me semblent bien raccourcis. On voit bien aussi qu’il a travaillé à la barbe, et je crois que mon petit garçon aurait eu plus de jugement ; on dirait qu’il a modelé cette barbe avec un couteau sans pointe, mais on y pourra facilement remédier. Il a encore mutilé une des narines ; un peu plus, le nez était gâté. Ce n’aurait pas été l’ouvrage de Dieu, et je crois que Dieu vous inspira l’idée de votre dernière lettre à maître Giovanni de Reggio, mon compère ; car, si la figure était restée entre les mains de Pietro, sans aucun doute, il vous la gâtait. De plus, j’ai fait comprendre et j’ai dit à messire Metello de ne la laisser en aucune façon dans les mains de Pietro, qui pourrait bien, par dépit, la gâter et vous faire encore plus de honte. Pietro se montre fort malveillant, surtout depuis qu’il se voit tout à fait renvoyé par vous ; il me paraît ne faire état, ni de vous, ni d’âme qui vive,
- ↑ La statue du Christ qui se conserve à la Minerve de Rome.