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CORRESPONDANCE

faire deux copies de ces mêmes tableaux, coûte que coûte. Vous pourriez les payer avec les intérêts de l’argent qui est déposé au Mont de la Foi. Si V. S. écrit qu’il faut ajouter à l’intérêt de cet argent du Mont, dès que j’en serai avisée j’enverrai le reste pour que la somme totale soit égalisée. Je me contenterai de votre bon plaisir. Quant à trouver ce surplus, je dis que je l’ai trouvé ; et, s’il le faut, je l’enverrai, car il pourrait toujours servir aux enfants. Si donc messer Marcello veut faire les copies, que V. S. m’en avise.

En attendant, portez-vous bien. Et, s’il arrive que je puisse faire quelque chose pour vous, prévenez-moi, car je ne manquerai pas de mettre toutes mes forces à vous servir. Je vous prie de vous souvenir de moi et de mes enfants. Mon père, ma mère et les petits vous envoient mille saluts avec les miens.

De V. S.

La fille très affectueuse,

Cornelia Colonelli de Amatorij.0000

0000(Arch. Buonarroti.)



LXIX

De la même au même.
Castel-Durante, le 4 octobre 1558.0000


0000Très magnifique et compère excellent,

La courtoise affection que V. S. a toujours témoignée à mes enfants et à moi a été telle, que je peux vraiment dire qu’elle a été la plus grande et a dépassé de beaucoup celle de mon père, de ma mère et de tout autre de mes parents. Connaissant ainsi la vérité, je vous ai toujours aimé, obéi et révéré comme un père et un maître très aimé, et j’aurai toujours l’âme prête à vous obéir, à vous servir et à vous écouter ; et je ne me résoudrai jamais à rien faire avant d’avoir connu votre volonté et pris votre conseil.

Si V. S. se le rappelle, ces jours passés, je vous écrivis pour vous apprendre le grand désir qu’avaient mon père et ma mère de me remarier ; et qu’entre autres partis, ils préféraient un jeune homme de San-Agnollo in Vado, cousin germain de l’abbé de ce lieu. Encore qu’il ne fût pas à mon goût, comme il plaisait à tous et à mon père et à ma mère dont V. S. m’avait conseillé d’accomplir la volonté, je me résolus à obéir et à faire ce qu’ils me commandaient, comme il convenait à une fille obéissante. Je consentis donc à accepter pour mari celui qui leur plaisait tant, bien qu’il ne répondit pas à ma pensée. Pour mon malheur, j’ai trébuché à une paille, comme on dit, et je me suis cassé le cou par amour pour mon père qui a fait la plus grande erreur qu’un homme puisse commettre en se laissant persuader par des personnes peu dignes de son affection à lui et de celle de mes sœurs, de mes neveux et de moi-même, de faire ce qui n’aurait jamais dû être, ni fait, ni pensé même, par persuasion de cet abbé et du père de celui dont je devais devenir l’épouse et la femme. Sitôt faits les contrats (lesquels furent faits publiquement, en présence de tous les maris de mes sœurs et de nos