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CORRESPONDANCE


XXXV

De la même, au même.

Vos magnifiques œuvres excitent forcément le jugement de quiconque les regarde. Pour en faire une autre expérience, je vous avais engagé à faire accroitre votre bonté pour les choses parfaites, et j’ai vu depuis que omnia possibilia sunt credenti. J’avais mis en Dieu ma foi la plus grande pour qu’il vous donnât une grâce surnaturelle à peindre ce Christ. J’ai vu depuis cette œuvre si admirable qu’elle surpasse, de toute manière, celles que je pouvais attendre de vous. Mon âme, avivée par vos propres miracles, désirait ce qu’à présent je vois merveilleusement accompli, et c’est à ce point parfait qu’on ne peut ni désirer davantage ni même oser désirer tant. Je vous dirai que je me réjouis beaucoup que l’ange de droite soit de beaucoup le plus beau, parce que c’est Michel, et qu’il placera Michel-Ange à la droite du Seigneur, au dernier jour. Et par ainsi, je ne sais comment vous servir mieux qu’en priant ce doux Christ que vous avez si bien et si parfaitement peint, et qu’en vous priant vous-même de me considérer comme votre chose en tout et pour tout.

Marquise de Pescara.0000

0000(Grimm, page bS-j, note 90.)



XXXVI

Francisco de Hollanda au roi de Portugal Jean III.

… Dans le nombre des jours que je passai aussi dans cette capitale (Rome, y en eut un, ce fut un dimanche, où j’allai voir, selon mon habitude, messire Lactance Tolomei, qui m’avait procuré l’amitié de Michel-Ange par l’entremise de messire Blasio, secrétaire du pape. Ce messire Lactance était un grave personnage, respectable autant par la noblesse de ses sentiments et de sa naissance (car il était neveu du cardinal de Senne) que par son âge et par ses mœurs. On me dit chez lui qu’il avait laissé commission de me faire savoir qu’il se trouvait à Monte-Cavallo dans l’église de Saint-Sylvestre, avec M me la marquise de Pescara, pour entendre une lecture des épitres de saint Paul. Je me transportai donc à Monte-Cavallo. Or, Mme Vittoria Colonna, marquise de Pescara, sœur du seigneur Ascanio Colonna, est une des plus illustres et des plus célèbres dames qu’il y ait en Italie et en Europe, c’est-à-dire dans le monde. Chaste et belle, instruite en latinité et spirituelle, elle possède toutes les qualités qu’on peut louer chez une femme. Depuis la mort de son illustre mari, elle mène une vie modeste et retirée ; rassasiée de l’éclat et de la grandeur de son état passé, elle ne chérit maintenant que Jésus-Christ et les bonnes études, faisant beaucoup de bien à des femmes pauvres et donnant l’exemple d’une véritable piété catholique……

M’ayant fait asseoir et la lecture se trouvant terminée, elle se tourna vers