Rovere), lorsque fut fait ledit contrat en présence de Clément et que, de retour de Florence, je commençais à travailler pour le tombeau de Jules, me demanda si je voulais faire grand plaisir au duc. En ce cas je n’avais qu’à envover au… bon Dieu ce monument, car il n’avait plus souci de cette sépulture, et il voyait d’un mauvais œil que je servisse le pape Paul. Je compris alors pourquoi il avait fait figurer la maison dans le contrat : c’était pour m’en chasser et y danser en maitre… Je me trouve avoir ainsi perdu toute ma jeunesse, lié à ce tombeau où ne m’ont pas permis de travailler les papes Léon et Clément ; et la crédulité excessive que ma conscience n’a pa :. voulu contrôler, a causé ma ruine. Ainsi le veut ma fortune. J’en vois beaucoup qui, avec deux mille et trois mille écus de traitement, se reposent tranquilles dans leur lit ; et moi, avec d’excessives fatigues, je m’évertue à m’appauvrir.
Pour en revenir à la peinture, je ne peux rien refuser au pape Paul. Je peindrai mécontent et je ferai des mécontents. J’écris ceci à Votre Seigneurie pour que, quand l’occasion s’en présentera, vous puissiez mieux dir ? la vérité au pape. J’aimerais bien qu’il l’entende et qu’il sache à quoi tient cette guerre qu’on me fait. Qui a à entendre, entende !
Serviteur de Votre Seigneurie,
J’aurais autre chose à dire, et le voici. Cet ambassadeur a avancé que j’aurais prêté à usure l’argent du pape Jules et que je me serais fait riche à ce commerce. Comme si le pape Jules m’avait précédemment compté 8.000 ducats ! Quand il parle de l’argent que j’ai eu pour le tombeau, veut-il entendre les dépenses que j’ai faites en ce temps-là pour ce travail ? Il verra alors que cette somme égale celle que devrait formuler le contrat passé sous le pontificat de Clément. En voici la raison. La première année où le pape Jules me commanda ce tombeau, je passai huit mois à Carrare pour l’extraction des marbres, que j’amenai jusque sur la place de Saint-Pierre, où j’avais mon logis derrière Sainte-Catherine. Ensuite le pape Jules ne voulant plus faire son tombeau pendant sa vie, je me mis à peindre. Plus tard, il me retint deux ans à Bologne pour lui couler en bronze la statue qui fut depuis brisée. Ensuite, revenu à Rome, je restai avec lui jusqu’à sa mort, tenant toujours maison ouverte sans retenue ni provision, vivant toujours de l’argent du tombeau, car je n’avais pas d’autres rentrées.
Après la mort de Jules, le cardinal d’Agen voulut continuer le tombeau, mais agrandi. C’est pourquoi, je fis porter les marbres au Macello dei Corvi et je ris exécuter la partie du monument qui est murée à Saint-Pierre-aux-Liens dont j’exécutai les figures que j’ai à l’atelier. En ce temps-la, le pape Léon, ne voulant plus que je travaillasse à ce tombeau, feignit de vouloir faire à Florence la façade de Saint-Laurent, et il m’envoya au cardinal d’Agen pour que j’obtinsse, à toute force, la permission de m’occuper en même temps à Florence du tombeau du pape Jules. Quand je fus là-bas pour cette façade de Saint-Laurent, comme il n’y avait plus les marbres extraits pour le tombeau du pape Jules, je retournai à Carrare, où je séjournai treize mois. J’en lis extraire d’autres marbres que j’amenai à Florence, où, après avoir construit un atelier pour cet ouvrage, je commençai à travailler.