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MICHEL-ANGE.

n’est pas le moment. Sachez seulement que, des 3.000 ducats que j’ai portés à Venise en or et en argent, il n’en restait plus que 50 quand je revins à Florence. La seule Commune m’en avait pris 1.500. Je n’en peux plus ; mais il y a encore peut-être moyen de m’en tirer. C’est ainsi que j’espère en la faveur que me promet le pape.

0000(Arch. Buonarroti.)



XXV

À Monsignore Marco Vigerio, évêque de Sinigaglia.

0000Monseigneur,

Votre Seigneurie m’envoie dire que je peigne et ne doute de rien. Je réponds qu’on peint avec le cerveau et non avec les mains, et que celui qui n’a pas son cerveau s’expose au blâme. Aussi bien, tant que cette affaire ne s’arrangera pas, je ne ferai rien de bon. La rectification du dernier contrat ne me parvient point ; et en vertu de cet autre contrat passé en présence de Clément (VII), je suis chaque jour lapidé, comme si j’avais crucifié le Christ. Je dis que cedit contrat ne fut pas lu en présence du pape Clément dans les termes dont j’eus ensuite la copie. Voici comment la chose arriva.

Ce jour-là, le pape Clément m’ayant envoyé à Florence, Gian Maria (Della Porta), ambassadeur de Modène, s’en vint chez le notaire et fit amplifier le document à sa manière ; de telle sorte que, lorsque je retournai et que je contrôlai ce contrat, j’y trouvai ajoutés plus de mille ducats qui n’y avaient pas précédemment figuré. J’y trouvai stipulé le séquestre de la maison que j’habite et certains autres points capables de me ruiner. Clément (VII) ne les aurait pas supportés, et Fra Sebastiano m’est témoin qu’il voulut que j’allasse me plaindre au pape et que je fasse citer le notaire. Je ne le voulus point, parce que je ne me regardais pas obligé à une chose que je n’aurais pu faire, si j’eusse été laissé sans appui. Je jure que je n’ai pas reçu l’argent dont parle ce contrat, malgré l’affirmation de Gian Maria disant que je l’aurais reçu. Mais supposons que je l’aie reçu et que je ne puisse m’affranchir du contrat ; supposons que j’en aie même reçu d’autres, s’il s’en trouve encore, et qu’on fasse un faisceau de tous ces arguments. Qu’on regarde, d’autre part, ce que j’ai fait pour le pape Jules, à Bologne, à Florence et à Rome, en bronze, en marbre et en peinture, tout le temps que je travaillai pour lui, — c’est-à-dire pendant tout son pontificat, — et que l’on voie ce que j’ai mérité. Je dis, en bonne conscience, — vu la provision que le pape Paul me donne, — qu’il me reste à recevoir des héritiers du pape Jules la somme de cinq mille écus. Je dis encore ceci que, par ma faute, ayant eu du pape Jules une si pauvre récompense pour m’être tant fatigué et m’être si mal gouverné, je mourrais aujourd’hui de faim si je ne comptais pas sur ce que le pape Paul m’a accordé. Aux termes de ces ambassadeurs, il parait qu’il m’aurait fait riche et que j’aurais volé l’autel. Ils en font grand tapage. Je saurais bien trouver le moyen de les faire taire, mais à quoi bon ! Gian Maria, ambassadeur intérimaire du vieux duc (Francesco Maria della