répondu que, pour aller là-haut, il faut passer en terre allemande, où il est
dangereux et difficile de voyager. J’ai pensé de m’en entendre avec vous,
pour le cas où il vous plairait que nous fassions route ensemble. Je vous
prie de me donner votre avis, si vous voulez que je vous attende, pour que
nous voyagions de compagnie. Je suis parti sans mot dire à aucun de nos
amis, dans le désordre de mes affaires ; et bien que, comme vous le savez, je
voulusse à toute force aller en France et que j’en eusse plusieurs fois fait la
demande que l’on m’a toujours refusée, je n’en étais pas moins résolu d’attendre
avec appréhension la fin de la guerre. Mais, mardi matin, 21 septembre,
quelqu’un vint me rejoindre, hors de la Porte San-Niccolo, sur les bastions
où j’étais, et il me dit à l’oreille qu’il n’y avait plus à essayer de vivre
à Florence. Il vint à la maison avec moi, traça un plan de route et me conduisit
à cheval, sans vouloir me laisser avant de m’avoir mis hors de la
ville et démontré que c’était pour mon bien. Est-ce Dieu ou le Diable, je ne
le sais.
Je vous prie de répondre à cette lettre le plus tôt que vous le pourrez, parce que le désir d’aller me consume ; et si vous n’êtes pas d’humeur de voyager, je vous prie encore de m’en aviser pour que je prenne le meilleur parti possible.
(Arch. Buonarroti.
XXIV
Mon cher Sebastiano [1], je vous donne trop d’ennuis. Allez en paix et pensez de chercher plus de gloire à ressusciter les morts qu’à faire des figures qui paraissent vivantes. Quant au tombeau de Jules, j’y ai pensé plus d’une fois. Comme vous me l’écrivez, il me semble qu’il y aurait deux moyens de s’en débarrasser : l’un de le faire, l’autre de le donner à faire avec l’argent qu’il y faudrait. De ces deux résolutions, il ne convient de prendre que celle qui plaira au pape. À mon avis, si je m’en charge, je déplairai au pape, parce que je ne pourrai vaquer aussi à ses projets. C’est pourquoi, il faudrait persuader aux autres, — je veux dire à ceux qui s’occupent des affaires du pape Jules, — de prendre l’argent et de faire la chose eux-mêmes. Je donnerai dessins et modèles et tout ce qu’ils voudront, avec les marbres déjà travaillés. En y ajoutant 2.000 ducats, je crois qu’on pourrait faire un beau tombeau ; et voilà des hommes jeunes qui le feraient bien mieux que moi. Si l’on s’arrêtait à ce dernier projet de recevoir l’argent et de faire l’ouvrage, je pourrais compter aux artistes 1.000 ducats d’or, et les autres 1.000 ensuite…
Je ne vous dirai pas comment je me trouve aujourd’hui, parce que ce
- ↑ Sebastiano del Piombo composait alors son tableau de la Résurrection de Lazare, qui devait subir un concours avec un autre tableau de Raphaël. Pour cette œuvre, Michel-Ange faisait secrètement les dessine de son élève et ami.